« La Réforme et la réforme poétique : les Octonaires sur la vanité et inconstance du monde d’Antoine de La Roche de Chandieu », article de Marina Hertrampf dans le prochain numéro de Romanische Studien

Mondain, qui vis et meurs au Monde perissable,
Miserable est ta vie, et ta mort miserable.
Car ta vie te tue et te tient attaché
Des liens de la mort, salaire du peché ;
Et du mourant pecheur la mort est immortelle,
D’autant plus perissant, qu’il perit sans perir.
Ainsi vivant mourant, Mondain, ta peine est telle,
Que ta vie est sans vivre, et ta mort, sans mourir.
(Antoine de La Roche de Chandieu, octonaire XIII)

Antoine de La Roche de Chandieu fut le propagateur le plus important du protestantisme en France. Cependant, il tomba presque dans l’oubli après sa mort. Parmi les poètes protestants du seizième siècle, il est souvent négligé; même s’il est un des rares exemples d’auteurs qui dédia toute sa vie littéraire à la diffusion de l’esprit protestant et connut un succès extraordinaire auprès de ses contemporains.
Dans notre contribution, nous voulons éclairer le chef-d’œuvre de ce poète méconnu en trois parties. La première partie sera consacrée à la vie de Chandieu. Dans ce contexte, il nous semble important d’illustrer le rôle fondamental que joua Chandieu pendant les conflits de confession et d’éclairer sa rébellion contre Ronsard. Nous nous attacherons aussi à présenter les spécificités esthétiques de sa poésie en tant que poésie protestante. Sujet que nous approfondirons dans la deuxième partie où nous nous pencherons sur l’analyse de l’ouvrage Octonaires sur la vanité et inconstance du monde, recueil de cinquante courts poèmes de huit vers chacun. Nous expliquerons les spécificités poétiques et stylistiques du genre de l’octonaire comme exemple pertinent d’une réforme poétique calvinienne et démontrons qu’il s’agit d’un genre qui, par définition, est un produit de la poétique calvinienne. Tandis que, dans cette partie, nous étudierons des références à la Bible et aux œuvres de Calvin, la troisième partie de notre contribution sera consacrée à l’analyse des relations intermédiales. A préciser, nous étudierons les relations entre les octonaires et leur illustration emblématique par Étienne Delaune et celles entre les poèmes de Chandieu et leur adaptation musicale par Pascal de L’Estocart.

Ce monstre arme le fils contre son propre père,
Et le frere (ô malheur) arme contre son frere,
La sœur contre leurs cousins veullent tremper leurs mains.
L’oncle fuit son nepveu, le serviteur son maistre,
La femme ne veut plus son mary recongnoistre.
Les enfants sans raison disputent de la foy,
Et tout à l’abandon va sans ordre et sans loy.
[…]
Morte est l’autorité : chacun vit à sa guise.
Au vice desreiglé la licence est permise,
Le desir, l’avarice et l’erreur incensé
Ont san-dessus-desoubs le monde renversé.
(Ronsard, Discours des misères de ce temps, 1979 : 70-71, v.159-166 et v.175-178)

Ill.: L’Escalade à Genève, 1602.

 

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